L’Indonésie avertie de la possibilité d’atrocités massives en Papouasie

Les Papous indigènes d'Intan Jaya attendent l'aide humanitaire du gouvernement régionale de Papouasie après l'assassinat du pasteur Zanambani. - Jubi/Victor Mambor

Jayapura, Jubi TV – Le Musée des États-Unis du mémorial de l’Holocauste a publié un rapport sur la Papouasie le 21 juillet 2022, avertissant de la possibilité que la Papouasie puisse connaître des atrocités de masse dans les mois à venir.

L’Indonésie, comme mentionné dans le rapport intitulé « Don’t Abandon Us: Preventing Mass Atrocities in Papua, Indonesia » (Ne nous abandonnez pas : Prévenir les atrocités de masse en Papouasie, Indonésie) est de plus en plus peuplé, riche et politiquement influent, malgré son histoire d’atrocités de masse. Les deux provinces les plus à l’est du pays, la Papouasie et la Papouasie occidentale, sont les seules régions qui continuent à connaître un conflit armé important et une instabilité politique. Ces dernières années, la violence entre les Papous indigènes soutenant le mouvement d’indépendance papou et le gouvernement indonésien s’est intensifiée. Bien que la violence à grande échelle contre les civils ne se produise pas aujourd’hui, les signes avant-coureurs sont visibles et requièrent notre attention.

« Je ne donne pas de prédictions. Mais je vois les conditions objectives qui se passent actuellement en Papouasie. Si l’on n’y remédie pas, si tous les responsables politiques, y compris le gouvernement indonésien, n’interviennent pas, des atrocités se produirait dans les prochains mois », a estimé Made Supriatma, l’auteur de ce rapport.

Le rapport indique que l’Indonésie occupe la 27e place sur la liste des pays du monde susceptibles de commettre des atrocités de masse.

Papouasie
Incidents de violence contre des civils dans les provinces de Papouasie et de Papouasie occidentale entre 2015 et 2021 – Source : Armed Conflict Location and Data Project (ACLED) dans « Don’t Abandon Us: Preventing Mass Atrocities in Papua, Indonesia »

Made Supriatma, boursier du Simon-Skjodt Centre Early Warning, reconnaît que les facteurs de risque structurels sont visibles en Papouasie. Outre la longue histoire de l’Indonésie en matière d’atrocités de masse, les Papous indigènes sont structurellement exclus de la prise de décision politique, l’exploitation des ressources naturelles de la Papouasie se poursuit par l’État indonésien et les sociétés multinationales, les forces de sécurité indonésiennes dans la région ont commis des violations des droits de l’homme et des conflits opposent souvent les Papous indigènes et les migrants d’autres régions d’Indonésie vivant en Papouasie sur des questions économiques, politiques, religieuses et idéologiques.

« Tous ces facteurs structurels peuvent être identifiés en Papouasie, sans compter les autres facteurs de cause tels que les changements sociopolitiques majeurs qui modifient la balance du pouvoir, le changement des structures incitatives et la division des groupes », a indiqué Made Supriatma.

Trois facteurs de cause sont apparus au cours des trois dernières années. Aujourd’hui, la Papouasie connaît des protestations, des émeutes et une mobilisation communautaire ; des divisions croissantes entre les Papous indigènes ; et une escalade du conflit armé entre l’Armée de libération nationale de la Papouasie occidentale (Tentara Pembebasan Nasional Papua Barat/TPNPB) et les forces de sécurité indonésiennes.

« Le facteur le plus déterminant dans les conclusions des recherches de Made Supriatma est le racisme à l’égard des Papous indigènes (Orang Asli Papua/OAP) », a commenté le pasteur Benny Giay, modérateur du Conseil des églises de Papouasie.

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Protestations et émeutes survenues en Papouasie et en Papouasie occidentale entre 2015 et 2021 – Source : Armed Conflict Location and Data Project (ACLED) dans « Don’t Abandon Us: Preventing Mass Atrocities in Papua, Indonesia »

Giay a souligné que depuis l’affaire de racisme à l’égard des Papous en 2019, l’État n’a montré aucune volonté de résoudre l’affaire. Au lieu de cela, l’État a qualifié les Papous de terroristes – et pas seulement de groupes armés – pour légitimer le déploiement massif de troupes en Papouasie. Dans le même temps, l’État a modifié la Loi d’autonomie spéciale de la Papouasie et a créé de nouvelles provinces sans la participation du peuple papou.

« L’État laisse également l’achat et la vente d’armes entre les groupes armés et les membres des Forces armées indonésienne/Police nationale (TNI/Polri), ce qui a un impact sur la perpétuation de la violence en Papouasie. Cette situation peut entraîner fatalement la population de l’OAP, sans compter les services de santé minimaux et le système éducatif désorganisé », a ajouté Benny Giay.

D’autre part, on dit que cette recherche présente des failles méthodologiques. « Ce n’est pas vrai (ce que l’on conclut de cette recherche). Il y a une erreur dans l’identification de la question de recherche. L’auteur applique également la mémoire du Timor oriental dans ses recherches. Il est évident que cela ne correspond pas aux faits », a exposé Theofransus Litaay, fonctionnaire du Bureau exécutif du Président de la République d’Indonésie (Kantor Staf Presiden), cité par BenarNews.

Pendant ce temps, Gabriel Lele, chercheur senior du groupe de travail sur la Papouasie à l’Universitas Gadjah Mada de Yogyakarta, a fait observer que la base de données du rapport est limitée car elle n’a été menée que de mars à août 2021. Si l’étude avait pu recueillir des données sur une plus longue période, les conclusions auraient pu être différentes.

« Il est vrai qu’il y a une escalade de la violence, mais les principaux responsables sont les groupes de violence armée ou l’Organisation pour une Papouasie libre (Organisasi Papua Merdeka/OPM). Alors que les victimes sont des civils, même les TNI/Polri », a précisé Gabriel à BenarNews.

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Conflits dans les provinces de Papouasie et de Papouasie occidentale entre 2015 et 2021 : par acteur – Source : Armed Conflict Location and Data Project (ACLED) dans « Don’t Abandon Us: Preventing Mass Atrocities in Papua, Indonesia »

Le rapport indique également que l’augmentation de la population migrante a entraîné des tensions intercommunautaires causées par des conflits sur la gouvernance de la zone. Depuis que le gouvernement indonésien a construit massivement la route Trans Papua sous l’administration de Jokowi, les Papous indigènes – en particulier ceux qui vivent autour de la route – se sentent menacés. Ils sont menacés non seulement par la construction de la route, mais aussi par le contrôle potentiel des ressources naturelles et des secteurs économiques qui sont toujours contrôlés par des personnes venant de l’extérieur de la Papouasie. En fin de compte, ces préoccupations vont exacerber la discrimination, la marginalisation et le dépeuplement des Papous indigènes.

« La route sera utilisée à des fins économiques par les non Papous. Donc, économiquement, les OAPs ne peut pas l’utiliser parce qu’elle n’est pas prête à s’impliquer dans le système économique que le gouvernement veut construire », a signalé le professeur Cahyo Pamungkas, un chercheur sur la Papouasie de l’Agence nationale pour la recherche et l’innovation (Badan Riset dan Inovasi Nasional/BRIN).

Les OAPs craignent également que la route Trans Papua permette d’accélérer les activités d’exploitation forestière en Papouasie, ce qui signifie plus de postes de sécurité TNI/Polri le long de la route. En plus de détruire leurs sources de subsistance dans la forêt, la route facilitera la distribution de biens de consommation qui déclencheront des changements dans les habitudes de consommation alimentaire des Papous indigènes dans les montagnes de Papouasie.

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Résumé des scénarios d’atrocités de masse possibles en Papouasie – Source : rapport « Don’t Abandon Us » : Preventing Mass Atrocities in Papua, Indonesia

« Les Papous indigènes craignent que cette situation les rende encore plus discriminés et marginalisés, jusqu’à ce que l’OAP soit finalement dépeuplée », poursuit le professeur Cahyo.

En examinant la situation actuelle de la Papouasie, avec l’augmentation de la migration depuis l’extérieur de la Papouasie et le déploiement continu des forces de sécurité, Veronika Kusumaryati, anthropologue de Georgetown University, a conclu que ces deux éléments sont liés. Les migrants qui viennent en Papouasie ne viennent pas seulement en raison de l’attrait économique des projets de développement en Papouasie et de la richesse des ressources naturelles de la Papouasie, mais aussi en raison des intérêts politiques et de l’idéologie de l’État, y compris la religion. La présence des forces de sécurité soutiendra certainement ces intérêts. D’un autre côté, l’arrivée de migrants augmentera fortement la concurrence, ce qui risque d’entraîner des conflits et, à un moment donné, des atrocités de masse comme celles mentionnées par Made Supriatma dans son rapport.

« Le pouvoir de l’État avec ses forces de sécurité et le pouvoir des migrants avec leurs intérêts économiques, politiques et idéologiques laissent entrevoir une très forte probabilité d’atrocités de masse en Papouasie à l’avenir. Cela a déjà commencé à se voir à Intan Jaya », a déclaré Veronika. (*)

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