[Exclusif] Lukas Enembe : Ils veulent me démettre du poste de gouverneur pour battre le Parti démocrate en Papouasie

Lukas Enembe
Le gouverneur de Papouasie, Lukas Enembe, lors d'une promenade thérapeutique autour de sa résidence privée à Koya, vendredi (23/9/2022) après-midi - Jubi/Nuevaterra

Jayapura, Jubi TV – Depuis qu’il a été désigné comme suspect de pots-de-vin pour une valeur nominale d’un milliard de roupies indonésiennes par la Commission pour l’éradication de la corruption (Komisi Pemberantasan Korupsi/KPK), le gouverneur de Papouasie, Lukas Enembe, n’a pas fait de déclaration à la presse. Il a confié la communication avec les médias à ses avocats. Enembe a choisi de se reposer à son domicile pour recouvrer la santé. La désignation de Lukas Enembe comme suspect a donné lieu à une vaste polémique parmi les Papous, tant sur les réseaux sociaux que dans les médias de masse.

Vendredi (23/9/2022) après-midi, Jubi a eu l’occasion de s’entretenir avec le gouverneur de Papouasie au sujet de sa désignation comme suspect de pots-de-vin, du blocage de ses comptes, des allégations de dépôts de centaines de milliard de roupies indonésienne dans des casinos à Singapour, et de sa maladie.

« Mes pieds sont enflés et je perds souvent la voix », a dit Lukas Enembe lorsqu’il a été rencontré à son domicile privé à Koya, Jayapura, tout en montrant ses pieds enflés. Lorsqu’il a été rencontré, Enembe marchait lentement de sa chambre à la salle à manger. Il était sur le point de déjeuner.

Lukas Enembe aurait souffert d’un certain nombre de maladies depuis les six derniers mois, notamment d’un accident vasculaire cérébral, de diabète, d’hypertension, de maladies cardiaques et de complications rénales.

Le menu servi par le serveur à la table à manger ne comprenait que de la chicorée bouillie, de la citrouille jaune bouillie, de la banane bouillie, de la patate douce bouillie et du poisson fumé. Il y avait aussi un bol de papeda et une soupe de poisson claire. En plus de la nourriture, il y avait trois verres d’eau et un verre d’eau qui, selon Enembe, contenait des médicaments pour les reins.

« Je dois boire trois verres d’eau à chaque repas et deux litres d’eau par jour », a expliqué Enembe. Il semblait un peu difficile de communiquer. En fait, sa voix était inaudible à plusieurs reprises et il a dû répéter ses paroles.

Alors qu’il commençait à manger son déjeuner, Enembe a parlé de l’affaire à laquelle il était confronté. Il a confié ne pas être surpris par sa désignation comme suspect puisque ce n’est pas la première fois qu’il est confronté à des tentatives de criminalisation. Il appelle ce à quoi il est confronté une criminalisation politiquement motivée.

« Ceci est politiquement motivée. Ils veulent m’écarter du poste de gouverneur. Ils veulent faire tomber le Parti démocrate en Papouasie. Ils pensent que tant que je serai gouverneur, il leur sera difficile de vaincre le Parti démocrate en Papouasie. C’est le Parti démocratique indonésien de lutte (Partai Demokrasi Indonesia Perjuangan/PDIP) qui veut se débarrasser du Parti démocrate en Papouasie », a ajouté Enembe.

Actuellement, Lukas Enembe est à nouveau président du conseil exécutif régional du Parti démocrate en Papouasie pour la période 2022-2027.

La tentative du PDIP de se débarrasser de lui, selon Enembe, est dirigée par des généraux de police à la retraite. Enembe a nommé TK, BG et PW comme étant les personnes derrière ce qu’il affronte actuellement.

« En 2017, ils (TK et BG) m’ont rencontré pour me demander d’accepter PW comme partenaire pour se faire candidats au poste de gouverneur et de vice-gouverneur de Papouasie. J’ai refusé parce que j’avais déjà décidé de me présenter avec feu Clemen Tinal », a raconté Enembe.

Enembe a cessé de raconter son histoire. Il a déplacé son assiette, pris le bol de papeda et soulevé le bol de soupe de poisson pour en transférer le contenu dans le bol de papeda. Après cela, il a continué son déjeuner avec du papeda.

Puis Enembe a poursuivi son histoire, la même chose s’est produite à nouveau en 2021. La différence est qu’en 2021, TK est venu avec un ministre pour proposer PW en remplacement de feu Clemen Tinal. À l’époque, Enembe avait répondu à la proposition de nom en répondant que la décision concernant le candidat qui remplacerait feu Clemen Tinal au poste de gouverneur adjoint serait prise par une coalition de partis soutenant Lukas Enembe et Clemen Tinal lorsqu’ils se présentaient comme gouverneur et gouverneur adjoint.

« Ce à quoi je fais face actuellement, je dirais que c’est de la criminalisation parce qu’il y a eu des tentatives précédentes de me criminaliser par les mêmes personnes au profit du PDIP », a indiqué Enembe.

L’ancien régent de Puncak Jaya a ensuite pris un verre d’eau et l’a avalé. Suivi du deuxième et du troisième verre, puis fermé par un verre contenant un médicament qu’il devait prendre après avoir mangé.

Enembe a assuré qu’il ne se soustrairait pas à l’examen du KPK. Une fois son état complètement rétabli, il répondra à la convocation du KPK pour fournir une explication ou être interrogé. Il a également nié qu’il y ait eu une mobilisation de masse pour le protéger. La manifestation et la garde par les masses à son domicile privé le 20 septembre étaient une forme de soutien moral de la part du peuple papou. « Dès que ma santé se rétablira, je répondrai à la convocation du KPK », a déclaré Enembe.

Contrairement aux jours précédents, la maison privée de Lukas Enembe semblait déserte. Il n’y avait que quelques personnes qui montaient la garde à la porte. Lukas Enembe vit à la maison avec un serveur, un assistant et deux membres de sa famille proche. Sa femme et ses enfants vivent dans la résidence officielle du gouverneur.

« J’ai eu du mal à leur demander de rentrer chez eux. Ils ne me laissent pas quitter la maison. Si je quitte la maison et qu’il m’arrive quelque chose, ils vont se battre entre eux. J’ai donc dû faire attention en leur demandant de rentrer chez eux », a précisé Enembe à propos des milliers de personnes qui se sont rassemblées chez lui il y a quelques jours.

Enembe a réaffirmé que le milliard de roupies indonésiennes envoyé sur son compte de BCA (Bank Central Asia) était son propre argent envoyé par une personne travaillant chez lui. Par ailleurs, les centaines de milliards de roupies indonésiennes mentionnées par Mahfud M.D. comme étant des fonds déposés dans des casinos à Singapour, ont été mentionnées par Lukas Enembe comme une accusation absurde.

« Tout d’abord, je n’ai pas cette somme d’argent. Deuxièmement, comment faire sortir du pays autant d’argent en liquide ? Cela n’a aucun sens », a lancé Enembe.

Cependant, Enembe n’a pas nié les allégations selon lesquelles il serait allé dans des casinos à l’étranger. Pour lui, il s’agit simplement d’une activité de divertissement que d’autres fonctionnaires pratiquent également. Mais il a cessé cette activité depuis qu’il est tombé malade.

Il a également admis que ses comptes bancaires, ceux de sa femme et de son enfant avaient été bloqués il y a quatre mois.

« Je ne chercherai pas à me faire soigner à l’étranger malgré la lettre d’autorisation du ministre de l’Intérieur. Je resterai en Indonésie pour faire face à ma criminalisation », a insisté Enembe.

Pour Enembe, les efforts de ceux qui veulent le faire tomber en le criminalisant sont très étranges étant donné que son mandat de gouverneur se termine dans un an.

« Ils n’ont pas besoin de se donner la peine de me faire tomber. Je vais aussi démissionner de mon poste de gouverneur. Dans un an, mon mandat prendra fin », a rappelé Enembe.

Des années passées à être le président du conseil exécutif régional du Parti démocrate ont rendu Enembe très familier avec les luttes de pouvoir entre partis politiques et autres intrigues politiques. En tant que chef de région depuis près de vingt ans, l’homme originaire de Mamit, dans la régence de Tolikara, en a assez de gérer les longs conflits qui ont eu lieu en Papouasie pour que celle-ci reste au sein de la République d’Indonésie.

« Prendre soin de la Papouasie n’est pas facile. Si elle est mal gérée, la situation peut être dangereuse », a constaté Enembe en concluant la conversation avec Jubi. (*)

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