Jayapura, Jubi – Les responsables de diverses dénominations chrétiennes en Papouasie ont exhorté le président Joko Widodo, qui est également le commandant en chef de l’Indonésie, à mettre fin aux opérations militaires, à se concentrer sur une approche humanitaire et à ouvrir un espace de négociation pour gérer les conflits dans plusieurs régions de la Papouasie. La libération du pilote néo-zélandais Philip Mark Mehrtens a constitué l’un des temps forts de la réunion.
Cet appel a été lancé par des responsables d’églises de Papouasie, à savoir Mgr Yanuarius You (évêque du diocèse de Jayapura), le révérend Dorman Wandikbo (président du GIDI), le révérend Socratez Sofyan Yoman (président de la Communauté des églises baptistes de Papouasie occidentale), le révérend Tilas Mom (président du synode de l’église Kingmi en Papouasie), le révérend Andrikus Mofu (président du synode du GKI en Papouasie) et le révérend Benny Giay (modérateur du Conseil des églises de Papouasie).
Dans leur déclaration, les responsables des églises ont expliqué que cette préoccupation découle des pertes de civils et de forces de sécurité depuis que le commandant des Forces armées indonesiénnes (TNI), l’amiral Yudo Margono, à Timika, en Papouasie centrale, a relevé mardi (18/4/2023) le statut des opérations militaires d’une approche légère à des opérations d’alerte de combat au sol.
« C’est pourquoi il faut éviter les pertes civiles. Donc, on demande respectueusement au président de la République d’Indonésie, comme commandant en chef, d’ordonner au commandant ou aux chefs militaires sur le terrain de retirer les troupes. Il faut aussi négocier et adopter une approche humanitaire », a dit l’évêque du diocèse de Jayapura, Mgr Yanuarius You, lors d’une conférence de presse à Jayapura, mercredi (26/4/2023).
L’évêque Yan a indiqué que l’approche militaire ne résout jamais les problèmes.
« On sait déjà (que l’approche militaire ne résout jamais les problèmes) après l’avoir vu un peu partout. C’est pourquoi on demande fermement au président, encore une fois comme commandant en chef, d’ordonner aux commandants militaires sur le terrain de retirer immédiatement les troupes. On ne veut pas faire de victimes, et encore moins de bombardements. Ce genre d’opération aura des conséquences graves pour les hommes et pour l’environnement. Et ce genre de chose n’est absolument pas approuvé par le monde », a indiqué l’évêque Yan.
Concernant la violence en Papouasie, Amnesty International Indonesia a noté qu’entre 2018 et 2022, il y a eu au moins 91 cas d’exécutions extrajudiciaires impliquant des membres des TNI, de la Police nationale (Polri), des agents pénitentiaires et des groupes indépendantistes papous, qui ont tué au moins 177 civils. Au cours de la même période, 44 personnes ont été victimes de membres des TNI et de la Polri, et 21 personnes ont été victimes de membres de groupes indépendantistes.
L’Institut d’analyse politique et d’études des conflits (IPAC) a également souligné que le nombre d’incidents de violence liés à l’insurrection entre 2010 et 2021 a continué d’augmenter, pour dépasser les 80 cas en 2021.
Ces incidents ont tué au moins 320 personnes, la plupart des civils (178), 92 membres des forces de sécurité et 50 membres de groupes armés. Pas moins de 98 % des décès (316 personnes) sont survenus dans la province de Papouasie.
Des recherches menées par le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) ont également révélé que la violence en Papouasie est quatre fois supérieure à la moyenne nationale. C’est d’autant plus ironique que la Papouasie a l’un des taux les plus élevés de forces de sécurité par rapport à la population par rapport à d’autres provinces
« Le nombre de forces de sécurité doit être directement corrélé aux conditions sécuritaires dans la région, mais la situation montre le contraire », a déploré Usman Hamid, directeur d’Amnesty International Indonesia, comme le rapporte kompas.id.
Envoyé spécial
Dans le cadre de la libération du pilote de Susi Air, Philip Mark Mehrtens, les chefs des églises ont demandé au président Jokowi de nommer un envoyé spécial chargé de négocier avec le groupe de l’Armée de libération nationale de Papouasie occidentale (TPNPB), dirigé par Egianus Kogoya.
« Le président doit nommer une équipe de négociateurs ou déléguer un envoyé spécial chargé de communiquer avec les différentes parties, en particulier la TPNPB et le gouvernement indonésien, comme dans l’accord conclu avec le GAM le 15 août 2005. C’est là un exemple pour le gouvernement », a rappelé le président du PGBWP, le révérend Socratez Sofyan Yoman.
Il ne s’agit pas seulement d’un envoyé spécial de Jakarta. Une autre solution possible, selon le révérend Yoman, est l’approche de l’église.
« On demande au président d’ordonner le retrait des troupes à Nduga et de laisser la place à l’équipe de négociation de l’église pour approcher Egianus Kogoya », a-t-il lancé.
Le président de GIDI, le révérend Dorman Wandikbo, espère que les problèmes causés par cette opération militaire deviendront une préoccupation sérieuse pour le président Joko Widodo. Dans plusieurs zones de conflit, les civils, qu’ils soient Papous indigènes ou non, ont perdu l’accès aux services de base tels que le logement, les services de santé, les écoles et les églises.
« On ne veut pas de conflit en Papouasie. Aujourd’hui, il y a plus de troupes militaires extérieures à la Papouasie à Paniai, Dogiyai, Deiyai, Intan Jaya et Nduga qu’il n’y en avait en 2018 à Nduga. Les élèves ne peuvent pas aller à l’école car les écoles et les centres de santé sont utilisés par les militaires. Les maisons des pasteurs et les églises sont aussi utilisées par les militaires. Les Papous ne peuvent donc pas rester chez eux et n’ont aucun endroit où se faire soigner. Tout le monde s’est réfugié hors de chez soi, y compris dans la forêt », a expliqué le révérend Wandikbo.
Le modérateur du Conseil des églises de Papouasie, le révérend Benny Giay, a affirmé que la demande de résoudre le problème de la Papouasie sans recourir aux armes est conforme à plusieurs déclarations publiques du président Jokowi. Il espère donc que le président Jokowi pourra respecter son engagement.
« C’est notre souci comme responsables d’église qui ont suivi la dynamique du développement politique en Papouasie depuis août 2019. On espère que le président Jokowi et son cabinet peuvent considérer cette lettre comme l’une des autres mesures, qui est une mesure humaine favorisant le dialogue. Le président lui-même, dans son discours du 15 juin 2021, a parlé de résoudre le problème de la Papouasie sans armes. Avant cela, le 30 septembre 2019, il avait déjà montré son intention de rencontrer le groupe – le terme qu’il a utilisé – des séparatistes (la TPNPB de l’OPM) », a remarqué le révérend Giay. (*)