L’approche sécuritaire ne résout pas le conflit en Papouasie

Lecture publique « Mencari Alternatif Dalam Konflik Bersenjata di Papua » (Trouver des alternatives au conflit armé en Papouasie) organisée par BEM de l'USTJ à Jayapura, samedi (13/5/2023) - Jubi/Theo Kelen

Jayapura, Jubi – L’approche sécuritaire du gouvernement indonésien est considérée comme peu susceptible de résoudre le conflit armé en Papouasie. Le dialogue pacifique est considéré comme le meilleur moyen de résoudre le conflit armé dans cette région.

Melpayanty Sinaga, chef de la section relations internationales à la faculté des sciences sociales et politiques de l’Université de Cenderawasih, a dit que l’approche sécuritaire consistant à déployer des forces de sécurité pour résoudre des conflits dans le cadre de diverses opérations militaires a été mise en œuvre par l’État depuis longtemps, comme l’opération Sadar (1968), l’opération Sapu Bersih (1978-1982) et l’opération de paix de Cartenz (2022).

Sinaga estime que l’approche sécuritaire, avec ses diverses opérations militaires, n’a fait qu’aggraver le conflit en Papouasie.

« On voit que l’approche militaire adoptée par le gouvernement indonésien ne peut pas résoudre le problème en Papouasie », a indiqué Sinaga à Jubi, après la lecture publique « Mencari Alternatif Dalam Konflik Bersenjata di Papua » (Trouver des alternatives au conflit armé en Papouasie) organisée par le Conseil exécutif des étudiants (BEM) de l’Université des sciences et de la technologie de Jayapura (USTJ) à Jayapura, le samedi (13/5/2023).

Sinaga a ajouté que l’escalade croissante du conflit a fait des habitants de diverses régences de Papouasie, tels que Intan Jaya, Puncak, Puncak Jaya, Yahukimo, Pegunungan Bintang, Nduga et Maybrat, les parties les plus touchées. Les chiffres compilés par le groupe de travail sur la Papouasie de l’Université Gadjah Mada font état de 468 morts entre janvier 2010 et mars 2022 à cause de la violence ou du conflit en Papouasie.

« Une fois, j’ai fait des recherches à Sorong et interviewé des civils de la régence de Maybrat qui s’étaient réfugiés dans la régence de Sorong. Leur situation était très mauvaise. J’ai vu qu’ils devaient vivre dans la forêt et louer un toit », a-t-elle confié.

Sinaga a rappelé que le gouvernement indonésien devrait se concentrer sur la résolution des racines du conflit en Papouasie. Sinaga a déclaré que les recherches menées par l’Institut indonésien des sciences (LIPI) font état de quatre causes profondes des problèmes en Papouasie : l’échec du développement, la marginalisation et la discrimination des Papous indigènes, la violence de l’État et les allégations de violations des droits de l’homme, ainsi que l’histoire et le statut politique de la Papouasie.

« C’est pourquoi les mouvements de résistance continuent jusqu’à aujourd’hui », a commenté Sinaga.

Sinaga a appelé toutes les parties à encourager les efforts de dialogue pacifique en Papouasie, parce qu’elle considère qu’il s’agit du meilleur moyen de résoudre le conflit en Papouasie.

« Le dialogue doit être une priorité dans la résolution des conflits, car il ne tue personne », a-t-elle insisté.

Helmi, du département de l’assistance juridique et des affaires juridiques de l’Alliance pour la démocratie en Papouasie (ALDP), a dit que l’approche sécuritaire adoptée par l’État en Papouasie a toujours été caractérisée par le déploiement massif de troupes pour des opérations militaires autres que la guerre. Le déploiement est au moins destiné à trois tâches principales : la poursuite de la TPNPB, la sécurisation des zones frontalières et la sécurisation des zones vulnérables/objets vitaux nationaux.

Helmi a précisé que l’ALDP a noté qu’en 2022, au moins 9 205 membres des Forces armées indonesiénnes (TNI)/Police nationale (Polri), dont 7850 membres des TNI et 1355 membres de la Polri ayant des qualifications de combat/opérations militaires autres que le combat et des qualifications en matière de renseignement, ont été déployés en Papouasie.

Helmi a indiqué que, jusqu’à présent, l’approche sécuritaire n’a jamais permis de résoudre le conflit en Papouasie et qu’il est important de mener un dialogue pacifique pour répondre aux différentes racines du conflit, parce que les problèmes en Papouasie sont actuellement très complexes.

Helmi a ajouté que l’élément le plus important des mécanismes de résolution des conflits par le dialogue pacifique est que celui-ci doit être mené à l’initiative conjointe des parties en conflit. Il a continué qu’en s’ouvrant l’une à l’autre, les parties en conflit peuvent s’entendre et il n’y a plus de suspicion sur les autres.

Helmi a expliqué que le dialogue devrait impliquer plusieurs personnalités clés, à savoir des hauts fonctionnaires du gouvernement, des responsables des TNI / Polri, ainsi que ceux qui sont considérés comme faisant partie de la représentation des Papous indigènes (OAP), à savoir la TPNPB, le Comité national de Nouvelle-Guinée occidentale (KNPB), le Mouvement uni de libération de Nouvelle-Guinée occidentale (ULMWP) et la représentation de l’OAP à l’étranger. Helmi a ajouté que le dialogue devrait être facilité par une tierce partie digne de confiance et influente.

« Dans le passé, on a connu le pasteur Neles Tebay et Muridan Widjojo. Maintenant, il faut être précis pour trouver une tierce partie qui peut être considérée comme un facilitateur de dialogue. Si on adopte un mécanisme comme celui proposé par la Commission nationale des droits de l’homme, beaucoup de parties ne seront pas d’accord et il y aura des conflits », a observé Helmi à Jubi, samedi dernier.

L'approche sécuritaire
Directeur de l’Institut d’aide juridique (LBH) de Papouasie, Emanuel Gobay – Jubi/Theo Kelen

Directeur de l’Institut d’aide juridique (LBH) de Papouasie, Emanuel Gobay, a dit que le déploiement des troupes des TNI en Papouasie était illégal. Selon lui, le déploiement de troupes en grand nombre doit passer par divers mécanismes, comme le stipule la Loi n° 34 de 2004 concernant les TNI.

« On considère que c’est une opération militaire illégale. Le déploiement de troupes en grand nombre doit faire l’objet d’un décret présidentiel et être basé sur la recommandation de la Chambre des représentants (DPR) », a indiqué Gobay à Jubi samedi.

Gobay a rappelé que l’État devrait se concentrer sur la prise en charge des personnes déplacées en Papouasie qui sont affectées par le conflit. Gobay a remarqué que jusqu’à présent, la Croix-Rouge indonésienne (PMI) n’a jamais été présente pour enregistrer le chiffre des victimes affectées, procéder à une récupération psychologique et s’occuper des droits des réfugiés à l’hébergement, à l’éducation et à la santé.

« Jusqu’à maintenant, l’État par la PMI, n’a pas fourni de chiffres exacts sur les réfugiés, et a donc négligé les droits de ces derniers », a-t-il conclu.

Commission nationale des droits de l’homme : Le dialogue pacifique en Papouasie doit commencer immédiatement

Le président de la Commission nationale des droits de l’homme de Papouasie, Frits Ramandey, a dit que le gouvernement indonésien devrait immédiatement entamer un dialogue pacifique pour résoudre le conflit armé en Papouasie. Selon Ramandey, le gouvernement indonésien a l’expérience de la résolution des conflits par le dialogue.

Ramandey estime que la mise en œuvre de l’autonomie spéciale en Papouasie a donné lieu à de nombreux actes de violence. La Commission nationale des droits de l’homme a noté qu’en 2022, il y a eu au moins 46 cas de violence en Papouasie.

Ramandey a indiqué que lors de la mise en œuvre de l’autonomie spéciale en Papouasie, l’Armée de libération nationale de Nouvelle-Guinée occidentale (TPNPB) a en fait davantage manifesté son existence.  Cela montre qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans la mise en œuvre de l’autonomie spéciale en Papouasie.

« Cela montre que quelque chose ne va pas dans la mise en œuvre de la Loi sur l’autonomie spéciale pour résoudre le conflit. Même si le développement est bon, si le conflit n’est pas résolu, le gouvernement continuera d’être sapé », a ajouté Ramandey lors de la lecture publique « Mencari Alternatif Dalam Konflik Bersenjata di Papua » (Trouver des alternatives au conflit armé en Papouasie) organisée par le Conseil exécutif des étudiants (BEM) de l’Université des sciences et de la technologie de Jayapura (USTJ) à Jayapura, le samedi (13/5/2023).

Ramandey a déclaré que seul un dialogue pacifique peut résoudre le conflit en Papouasie. Il a appelé au gouvernement indonésien et à la TPNPB pour qu’ils désignent immédiatement leurs représentants afin que le processus de dialogue pacifique puisse commencer sans délai.

« Dans la prise d’otage actuelle du pilote de Susi Air, Egianus Kogoya est le seul personnage clé et doit être prêt à nommer des personnes de confiance. La personne à qui Egianus accorde sa confiance ne doit pas être sapée par l’État. On doit lui donner l’accès et la liberté de communiquer pour résoudre le conflit », a-t-il continué.

Le 9 février 2023, la Commission nationale des droits de l’homme a révoqué son engagement envers l’accord parce qu’il avait été conclu en dehors de la session plénière de la Commission pour la période 2017-2022. La Commission nationale des droits de l’homme a également annoncé qu’elle ne pouvait pas être partie au mémorandum d’entente parce qu’elle n’était pas partie au conflit en Papouasie.

Bien que la Commission nationale des droits de l’homme ait retiré son engagement à l’égard du mémorandum d’entente sur la pause humanitaire en Papouasie, Ramandey a affirmé que la Commission continuait d’encourager le dialogue humanitaire.

La Commission nationale des droits de l’homme a demandé que le dialogue humanitaire implique des personnes élues pour représenter les parties au forum, et non des personnes invitées à se réunir sans mécanisme de représentation clair. « Seules des personnes sélectionnées comme représentants de l’OPM, de la TPNPB, des victimes ou des familles de victimes, et du gouvernement indonésien. Les personnes sélectionnées par des mécanismes de renseignement ne devraient pas participer au forum de dialogue, ce sont les personnes qui ont rencontré le président à Jayapura et à Jakarta. Ces genres de personnes ne peuvent pas résoudre le conflit », a-t-il déclaré.

Ramandey a rappelé que le gouvernement indonésien avait de l’expérience dans la résolution de conflits par le dialogue, comme celui qui a eu lieu avec le Mouvement pour une Aceh libre à Helsinki, en Finlande, en 2005. Il a insisté que le dialogue humanitaire doit commencer immédiatement afin d’éviter que d’autres civils ne deviennent des victimes.

« Si cela ne commence pas immédiatement et qu’il y a de nombreuses victimes civiles à cause du conflit, alors les Nations Unies peuvent intervenir. Dans ce cas, les Nations unies peuvent parler non seulement des droits de l’homme, mais aussi d’un référendum », a-t-il averti. (*)

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *