Jayapura, Jubi – Mais le sort de Zode Hilapok est encore plus amer. Il n’est toujours pas en mesure d’être jugé étant donné que sa santé continue de se détériorer à cause de la tuberculose.
Zode Hilapok est finalement décédé alors qu’il suivait un traitement à l’hôpital général régional de Yowari, dans la régence de Jayapura, le 22 octobre 2022. Depuis l’arrestation de Zode Hilapok le 2 décembre 2021, les responsables de l’application des lois à tous les niveaux n’ont pas fourni de services de santé adéquats pour son rétablissement et l’affaire qui le concerne n’a jamais été jugée.
Violation des droits de l’homme
Le professeur Melkias Hetharia, de la faculté de droit de l’Universitas Cenderawasih, a estimé que l’imposition d’accusations de trahison à l’encontre des activistes papous constitue en principe une violation des droits de l’homme, notamment du droit à la liberté de pensée et d’expression. L’article sur la trahison imposé à Melvin Yobe et à ses sept amis était un article élaboré par le Royaume des Pays-Bas pour protéger le gouvernement et l’État néerlandais contre les coups d’État et les révolutions et se fondait sur l’expérience de la révolution russe.
Hetharia a rappelé que l’application du code pénal néerlandais en Indonésie reposait sur le principe de concordance, qui a ensuite été légalisé par la Loi n° 1 de 1946, conformément aux dispositions des règles transitoires de la Constitution de 1945. Le texte de loi n’a pas pris en compte les aspects sociaux, culturels et philosophiques de la nation indonésienne.
« L’histoire de la formation des articles sur la trahison dans le code pénal néerlandais qui est devenu le code pénal indonésien n’a pas pris en compte les aspects des droits de l’homme, en particulier le droit à la liberté de pensée et d’expression. Donc, l’application des articles sur la trahison opprime la personnalité humaine ainsi que le sens de la justice », a ajouté Hetharia à Jubi le 31 octobre 2022.
Hetharia a déclaré que le terme « trahison » (makar), qui est régi par les articles 104, 106, 107, 108 et 110 du Code pénal indonésien, a été interprété de manière très large et ne correspond pas à la signification du terme « aanslag » tel qu’il est entendu en néerlandais, qui signifie « attaque ». Une attaque dans ce sens consiste certainement à utiliser toute la force nécessaire pour prendre le pouvoir.
« Si le terme “trahison” dans ces articles est interprété non pas comme un aanslag (attaque), alors les articles sur la trahison sont effectivement contraires aux droits de l’homme garantis et protégés dans la Constitution de 1945 de la République d’Indonésie », a-t-il déclaré.
En fait, Melvin Yobe, Zode Hilapok et leurs six amis ne sont pas les seuls activistes papous qui ont manifesté pacifiquement mais ont été accusés de trahison. De 2013 à 2022, au moins 44 activistes papous ont été accusés de trahison. Dans le tribunal de Jayapura de 2013 à 2022, il y avait 31 personnes, dans le tribunal de Balikpapan en 2020, il y avait 7 personnes et dans le tribunal de Jakarta-centre en 2019, il y avait 6 personnes.
Emanuel Gobay, directeur de l’Institut d’aide juridique de Papouasie, qui est également avocat de Melvin Yobe et de ses amis, considère que l’accusation de trahison portée contre les activistes papous fait partie d’une criminalisation systématique et structurelle. « La majorité des personnes accusées de trahison sont des activistes des droits de l’homme, des activistes politiques et autres », a signalé Gobay à Jubi mardi (11/10/2022).
Gobay a rappelé que le drapeau de l’Étoile du matin est un symbole culturel du peuple papou garanti par la Loi n° 21 de 2001 concernant l’autonomie spéciale de la Papouasie (l’ancienne Loi d’autonomie spéciale de la Papouasie).
« Cela est garanti par la Loi d’autonomie spéciale de la Papouasie, qui donne aux Papous la liberté de choisir certains symboles pour devenir des symboles culturels, l’un d’entre eux est le drapeau de l’Étoile du matin », a-t-il poursuivi.
Gobay a fait part du fait que le lever du drapeau de l’Étoile du matin par Mervin Yobe, ses amis et d’autres activistes papous faisait partie de la demande faite au gouvernement de résoudre les problèmes politiques de la Papouasie. « Ils demandent à l’État d’appliquer immédiatement l’ordonnance de la loi sur l’autonomie spéciale », a expliqué Gobay.
Sur cette base, Gobay a considéré que l’utilisation de l’article 106, paragraphe (1), du Code pénal, en conjonction avec l’article 55, paragraphe (1), point 1, du Code pénal et de l’article 110 paragraphe (1) du Code pénal sur la trahison pour piéger les activistes papous était une forme de criminalisation. Il a également souligné que le fait que Melvin Yobe et ses amis aient hissé le drapeau de l’Étoile du matin ne rendait pas automatiquement la Papouasie indépendante de la République d’Indonésie, de sorte que l’élément de trahison n’était pas rempli.
Outre l’utilisation controversée de l’article sur la trahison pour les activistes papous qui expriment leurs opinions de manière pacifique, le traitement reçu par les prisonniers dans les affaires de trahison est également considéré par Gobay comme inapproprié. Gobay, qui fournit souvent une assistance juridique aux activistes papous soupçonnés ou accusés de trahison, a confié que ses clients sont souvent mal traités.
Gobay a mentionné que la condition de santé de Zode Hilapok était la pire comparée à celle de ses sept amis, puisque depuis le moment où il a été détenu au centre de détention du siège de la police provinciale de Papouasie jusqu’à son transfert au centre correctionnel d’Abepura, Hilapok a dû constamment se faire soigner à l’hôpital. Gobay a révélé que pendant sa détention au centre correctionnel d’Abepura, l’état de santé de Hilapok s’est détérioré, son poids a diminué rapidement et son corps était maigre.
Gobay a fait observer que le centre correctionnel d’Abepura n’est pas adaptée à la détention de prisonniers ayant des antécédents de tuberculose, comme ceux dont souffrent Melvin Yobe et Zode Hilapok. « Après avoir comparé les conditions du centre correctionnel d’Abepura avec le règlement du ministre de la Santé sur les directives relatives à la prise en charge des patients atteints de tuberculose, l’endroit n’est pas adapté pour accueillir des prisonniers qui souffre de la maladie », a-t-il conclu.
Gobay a évoqué que le règlement n° 67/2016 du ministre de la Santé sur les directives de traitement des patients atteints de tuberculose stipule que le site de traitement des patients atteints de tuberculose doit être ouvert. L’endroit doit également bénéficier d’une bonne circulation de l’air et d’un bon ensoleillement.
Gobay a indiqué que le règlement du ministre de la santé stipule également que les bureaux de santé et les hôpitaux locaux doivent fournir des unités spéciales pour traiter les patients atteints de tuberculose. « Nous espérons que les juges, les procureurs et les hôpitaux pourront mettre en pratique le règlement n° 67/2016 du ministre de la Santé », a-t-il espéré. (*)
Ce reportage a été soutenu par Transparency International Indonesia, l’Union européenne et l’Alliance des journalistes indépendants (Aliansi Jurnalis Independen/AJI) dans le cadre du programme de résidence anti-corruption « Faire du journalisme juridique » (Mewartakan Jurnalisme Hukum).