La liberté d’expression en Papouasie se détériore

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Manifestation contre l'expansion de la province de Papouasie et la création des nouvelles régions autonomes à Jayapura en 2022, avant d'être dispersée par la police. - Jubi/Theo Kelen

Jayapura, Jubi – Esther Haluk, activiste de GARDA Papua, a dit que la liberté d’expression en Papouasie se détériore. Selon elle, l’État craint les Papous qui expriment leurs opinions en public.

Haluk a indiqué que la liberté d’expression en Papouasie avait commencé à se détériorer en 2019 lors de manifestations massives sur la question du racisme et que les Papous qui avaient protesté contre des actes racistes avaient été arrêtés et emprisonnés.

« L’Indonésie nous appelle les singes, mais on est arrêté quand on le proteste. On est victimes », a ajouté Haluk lors d’une discussion en ligne intitulée « Kondisi dan Tren Kebebasan Berekspresi, Berkumpul, dan Hak Digital di West Papua » (Conditions et tendances de la liberté d’expression, d’assemblée et des droits numériques en Nouvelle-Guinée occidentale), organisée par SAFEnet et TAPOL mardi (16/5/2023).

Haluk a fait observer que lorsque les Papous exercent leur liberté d’expression pour dire la vérité, ils sont toujours confrontés aux Forces armées indonésiennes (TNI)/ Police nationale (Polri). Haluk a raconté qu’elle avait été arrêtée pour avoir participé à une manifestation pacifique en mai 2022, mais qu’au commissariat, elle avait été interrogée sur le contenu qu’elle avait publié sur son compte de réseau social.

« À l’époque, on nous a emmenés au commissariat non pas à cause d’une manifestation pacifique, mais pour nous interroger sur des publications dans les réseaux sociaux. Mon compte Facebook a été piraté trois fois car j’avais commenté des articles dans les médias », a-t-elle confié.

Haluk a également constaté que les politiques menées par le gouvernement indonésien n’étaient pas conformes aux souhaits du peuple papou, par exemple l’expansion de la province de Papouasie pour former des nouvelles provinces. Mais lorsque les Papous ont protesté contre cette politique, ils ont été arrêtés.

« On refuse les différentes politiques qui sont appliquées en Papouasie car ça ne concerne pas nos conditions de vie. On connaît des problèmes environnementaux qui peuvent menacer nos vies, il y a aussi la question de l’accaparement des terres. Par ailleurs, on a le droit de s’exprimer et de protester, mais le gouvernement mobilise la police et les militaires en masse pour confronter les Papous », a-t-elle expliqué.

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Discussion en ligne intitulée « Kondisi dan Tren Kebebasan Berekspresi, Berkumpul, dan Hak Digital di West Papua » organisée par SAFEnet et TAPOL mardi (16/5/2023).

Haluk a déclaré que l’Indonésie, en tant que pays démocratique, devrait respecter la liberté d’expression des Papous. Elle considère que la façon dont le gouvernement indonésien traite les Papous montre que ces derniers ne sont pas considérés comme faisant partie de l’Indonésie.

« On veut faire une manifestation pacifique, pourquoi le gouvernement utilise la police et les militaires pour pénétrer dans le campus et disperser la manifestation ? On exerce nos droits, pourquoi le gouvernement mobilise la police et les militaires ? D’après notre expérience comme Papous, nos droits n’existent pas en Indonésie », a-t-elle exprimé.

Ian Moore, de la section des campagnes de TAPOL, a précisé que dans le rapport de Tapol intitulé « West Papua 2022 Freedom of Expression and Freedom of Assembly » (Nouvelle Guinée occidentale 2022 – Liberté d’expression et liberté de réunion), 21 incidents de dispersion ont été enregistrés en 2022. La plupart de ces incidents se sont produits dans la province de Papouasie, en particulier à Jayapura. Des incidents similaires ont également eu lieu dans d’autres régions de la Nouvelle-Guinée occidentale, notamment à Sorong et en Papouasie centrale.

Ian a ajouté que diverses unités de police ont joué un rôle dans la dispersion des formes d’expression pacifique en Papouasie, notamment les unités de police existantes, les forces spéciales telles que Nemangkawi, le corps de la Brigade mobile et les services de renseignement de la police.

Les groupes concernés sont la Pétition du peuple papou (PRP), le Comité national de Nouvelle-Guinée occidentale (KNPB), l’Alliance des étudiants papous (AMP) et le Mouvement uni de libération de Nouvelle-Guinée occidentale (ULMWP). « Il y a eu des protestations massives et la police a arrêté les protestations », a-t-il remarqué au cours de la discussion.

Made Supriatma, chercheur à l’Institut ISEAS-Yusof Ishak, a dit que l’État continue de réprimer les Papous en envoyant constamment les militaires pour faire face aux protestations ou aux manifestations des Papous.

« Les militaires sont très sévères face aux protestations. C’est une forme de répression de l’État envers les Papous », a indiqué Supriatma.

Supriatma a ajouté que les protestations des Papous montrent que le nationalisme est en hausse, en particulier chez les jeunes Papous, et que le gouvernement indonésien devrait s’enquérir de ce que veulent les Papous et en discuter.

« On voit un mouvement très fort à la Papouasie. Les jeunes Papous veulent exprimer leur aspiration et continuer à protester, même s’ils sont réprimés par les militaires », a-t-il déclaré. (*)

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